TTIP dit Grand Marché Transatlantique
TAFTA, récidive de l'AECG
Le 18 octobre 2013, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et le premier ministre canadien, Stephen Harper, ont conclu ce que la Commission appelle un « accord politique » sur les éléments essentiels d’un Accord économique et commercial global (AÉCG) entre l’Union européenne et le Canada.
Les négociations avaient commencé en 2009. Avec la complicité des gouvernements de l’UE, elles se sont tenues dans le plus grand secret. Jamais, les gouvernements, qui ont donné le feu vert à la Commission européenne pour conduire ces négociations et signer cet « accord politique », n’ont informé leur Parlement et encore moins sollicité l’accord de celui-ci pour mener de telles négociations qui, pourtant, remettent en cause des choix de société fondamentaux
Si on a peu parlé jusqu’ici de ce projet de traité, c’est qu’il a fallu longtemps avant que des fuites permettent d’en connaître le contenu. Ce n’est que depuis début août qu’on dispose d’une version du document qui peut être considérée comme définitive (document de la Commission européenne du 5 août 2014 : CETA Consolidated text accompagné de la mention : This document is Limited and should hence not be distributed outside the EU institutions).
Demain, vendredi 26 septembre, à Ottawa, se tiendra un Sommet Canada-Union européenne où l’élite économique et politique va célébrer la conclusion de cet accord de libre-échange Canada-UE (AÉCG ou, en anglais, CETA pour Canada-EU Trade Agreement). Un accord qui va beaucoup plus loin que les accords de l’OMC dans le démantèlement des souverainetés démocratiques.
A l’instar du GMT/TAFTA, le CETA appartient à cette nouvelle génération de traités internationaux qui, sous couvert de commerce et de libre-échange, s’attaquent violemment à la Constitution, aux législations et aux réglementations des Etats chaque fois qu’elles constituent des « obstacles » à la libre concurrence, ces obstacles n’étant plus seulement les droits de douane et les réglementations douanières, mais aussi et bien plus, les normes sociales, sanitaires, alimentaires, environnementales, culturelles ou techniques en vigueur dans chacun de nos pays.
L’accord auquel ont abouti les négociateurs européens et canadiens se présente sous la forme d’un document de 521 pages complétées par 1000 pages d’annexes. A ce jour, ni la Commission européenne, ni le gouvernement français n’ont publié ce texte qui compte 46 chapitres.
On retrouve, dans ce CETA, une volonté générale inscrite comme objectif majeur de toutes les négociations en faveur du libre-échange depuis qu’existent les accords de l’Organisation Mondiale du Commerce : déréguler.
Et ce n’est pas le préambule de l’accord qui doit faire illusion. Si on y lit, avec beaucoup de solennité, le droit des parties de réguler sur leur territoire, on ne le lira plus par la suite. Or, en droit international, le préambule d’un accord n’a aucune force contraignante. C’est la suite du texte qui compte et on y trouve une foule de dispositions qui organisent très concrètement la limitation des Etats à réguler, l’interdiction d’introduire de nouvelles régulations et le droit des entreprises multinationales à imposer leurs volontés.
On reconnaît, dans ce CETA, les mêmes chapitres qui jalonnent le projet de grand marché transatlantique popularisé sous le sigle TAFTA. On trouve donc la même volonté d’appliquer les principes et obligations de l’OMC comme le traitement national (accorder en France aux entreprises étrangères le même traitement que celui accordé aux entreprises françaises, y compris dans les activités de service) et le traitement de la nation la plus favorisée (le traitement favorable accordé à un fournisseur d’un Etat doit être octroyé à tous les fournisseurs de tous les Etats membres de l’OMC : 0% de droit de douane sur un produit agricole en provenance d’un pays entraîne l’obligation d’appliquer 0% de droit de douane sur ce produit en provenance de tous les autres pays).
Comme le TAFTA, le CETA prévoit de réduire voire de supprimer les droits de douane en particulier dans le secteur agricole avec des conséquences très dommageables pour l’emploi dans l’agriculture européenne et pour la qualité des produits agricoles.
De nombreux articles traitent des droits des investisseurs (les multinationales), de la libéralisation et de la protection des investissements. Des listes de mesures que ne pourront plus prendre les Etats figurent dans le texte. Ainsi, par exemple, il ne sera plus possible de réguler l’usage des terres, de limiter la consommation des ressources naturelles, d’imposer des restrictions protégeant l’environnement, de limiter les autorisations en matière de télécommunication.
De même que dans le TAFTA, les dispositions de l’accord avec le Canada s’appliqueront non seulement aux Etats, mais aussi aux collectivités territoriales. Celles-ci n’auront plus le droit d’imposer des exigences de localisation ou de production locale à un investisseur canadien et elles ne pourront plus, dans les commandes publiques, donner la préférence à des produits ou des fournisseurs locaux.
Les investisseurs seront protégés contre toute forme d’expropriation directe ou indirecte car, désormais, la rentabilité de l’investissement sera fondée sur la stabilité réglementaire ou normative. Ce qui signifie que toute modification législative ou réglementaire en France dépendra désormais de l’accord des firmes canadiennes. C’est le droit des Etats à réguler qui est ainsi directement remis en question.
Le CETA, comme le TAFTA, crée la possibilité pour les firmes canadiennes de contester les lois et les réglementations et toute décision des pouvoirs publics au-travers d’un mécanisme de règlement des différends transférant ainsi des tribunaux nationaux vers une structure d’arbitrage privée le pouvoir de trancher un conflit entre une firme et une autorité publique. C’est la privatisation de l’exercice de la Justice qui est ainsi organisée.
Comme dans le TAFTA, le CETA a pour objectif de rendre compatibles les normes sociales, sanitaires, environnementales ou techniques en vigueur dans les Etats de l’UE et au Canada. En matière de normes sociales, on a appris que, pendant la négociation, le Canada avait proposé d’inclure une référence aux droits du travail tels qu’ils sont inscrits dans les conventions sociales de l’Organisation internationale du Travail, mais que la Commission européenne, soutenue par les 28 gouvernements, a refusé.
Comme dans le TAFTA, les activités de service sont directement visées. On y trouve la même volonté d’assimiler les fournisseurs de services publics aux fournisseurs privés et d’appliquer intégralement l’Accord général sur le Commerce des Services (AGCS), avec la volonté d’aller au-delà. A la différence du TAFTA, le CETA prévoit d’appliquer le mécanisme de règlement des différends également aux activités culturelles.
Comme dans le TAFTA, il est fait explicitement référence à l’accord de l’OMC sur les droits de propriété intellectuelle avec cette circonstance aggravante qu’on retrouve dans le CETA des dispositions de l’Accord Commercial sur les Contrefaçons (ACTA) qui fut rejeté en 2012 par le Parlement européen. En la matière, les dispositions en vue de protéger ces droits de propriété intellectuelle menacent directement les droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques des citoyens.
A cet égard, il faut observer que dans ces deux traités de libre-échange, il n’est jamais fait référence au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ni au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, tous deux de 1976, dont les principes sont très largement bafoués.
Comme dans le TAFTA, on crée dans le CETA une institution supranationale législative contraignante, dotée du double pouvoir de veiller au respect de l’accord et de poursuivre, après l’accord, le travail de dérégulation sans le moindre contrôle ultérieur des Etats. Ce qui réduit à néant toute utilité d’amender le texte comme certains le proposent.
Avec le CETA, comme avec le TAFTA, il s’agit de dépouiller les peuples de toute capacité de réguler et d’encadrer les activités du secteur privé, non seulement dans des domaines strictement industriels ou économiques, mais également dans des secteurs comme la politique sociale, la santé ou l’éducation. Plus aucune activité humaine ne doit échapper à la marchandisation. Et c’est à cela que souscrit le gouvernement français.
Il reste à espérer que le Parlement européen rejettera le CETA et le TAFTA, comme il en a le pouvoir. Si par malheur, il devait ratifier ces accords, alors les Parlements nationaux seront placés devant la responsabilité de refuser leur ratification. En effet, contrairement au point de vue exprimé par la Commission européenne, CETA comme TAFTA sont des « traités mixtes », c’est-à-dire des traités qui contiennent à la fois des matières qui relèvent de la compétence exclusive de l’UE et des matières sur lesquelles les Etats membres de l’UE gardent une pleine compétence.
Dès lors, les Parlements nationaux sont fondés à s’exprimer. Et les peuples à faire pression sur leurs élus pour que soient rejetés ces dénis de souveraineté populaire. Comme ces matières requièrent l’unanimité des Etats membres, il suffit d’un Parlement pour mettre fin à ces nuisances majeures que sont le CETA et le TAFTA.
Raoul Marc JENNAR
24 septembre 2014
En partenariat avec : en soutien au "Collectif national Stop Tafta"
| à votre député | à vos euro députés | à votre maire
Elle prendra fin le : mardi 30 juin 2015
Les régions d’Ile de France et PACA ainsi que les villes de Besançon et de Niort l’ont déjà fait !
Stop TAFTA ! non aux accords de libre-échange entre les USA et l’UE.
Ce projet, négocié avec et pour les multinationales, est une menace extrêmement grave pour nos droits sociaux, écologiques et démocratiques, car il donnerait aux grands groupes privés des droits extravagants pour exploiter les peuples et la nature.
Quelles conséquences pour nous, élus et habitants des territoires ?
Opacité
Nous sommes et demeurerons dans la désinformation la plus totale? Pour l’heure, le mandat de la commission européenne n’a pu être connu que grâce à une fuite.
Il est impossible à l’heure actuelle de connaître les dispositions tant du côté européen que du côté américain, au fur et à mesure des négociations et quel que soit le sujet.
Sans forte réaction de l’ensemble des citoyens et des élus, l’opacité des négociations restera la règle.
Un véritable rapt du pouvoir des collectivités locales
les négociations du TAFTA risquent de conduire à l’ouverture des marchés publics en Europe aux entreprises des États-Unis et les lobbies d’affaires pourraient s’en prendre à tout programme visant a la relocalisation des activités.
Dans les appels d’offre ouverts aux multinationales, les collectivités locales ne pourraient plus le faire aux conditions qui leur conviennent.
Là où les luttes ont permis une re-municipalisation de l’eau, pourront-elles conserver ce statut ?
Des règles strictes (fin des aides publiques) ne leur permettraient plus de favoriser les entreprises, emplois locaux (et donc le développement local), ni d’adopter des normes environnementales ou sociales élevées.
Dans nos assiettes, des aliments normés et sans étiquetage
Selon une étude réalisée par le Parlement européen, il existe des risques importants d’affaiblissements des procédures d’autorisation des OGM importés en Europe, menaçant d’élargir considérablement la liste des variétés autorisées à l’importation – une cinquantaine actuellement – Enfin les les lobbies industriels comptent affaiblir l’obligation européenne d’étiqueter tout produit, en particulier les non OGM.
Comment vérifier ce qui arrivera dans l’assiette de nos enfants dans les cantines ?
Comment une collectivité pourra-t-elle se fournir ailleurs qu’auprès de la transnationale qui aura emporté le marché ?
Et quid du gaz de schiste ?
Par la remise en cause des protections et des régulations écologiques, la loi Jacob qui interdit le fracturation hydraulique en France, risquerait fort d’être annulée.
Il n’y aura plus aucun recours juridique possible pour empêcher les "Gaziers et Pétroliers" de venir forer sur nos territoires pour y chercher du "gaz et du pétrole de schiste".
Le mécanisme dit "Investisseur/État" : toutes les collectivités à la merci des avocats d’affaires
Un mécanisme dit " Investisseur/État" prévu dans le mandat de négociation permettrait aux transnationales de porter plainte contre un État ou une collectivité territoriale.
Ceci devant une juridiction composées de 3 juristes de cabinets d’avocats d’affaires, acquis à cette vision du monde et imposés de toute façon par le texte du traité, dès lors qu’une loi ou qu’une réglementation fera entrave au commerce (libre et non faussé) et à l’investissement.
Dans d’autres accords de libre-échange portant des mécanismes de ce type, des amendes colossales ont fait plier les gouvernements ( canada, Mexique,Grèce, Espagne, Australie …). Dans d’autres cas ces amendes ont du être payées ( il s’agit de centaines de millions de dollars ou même de plus d’un milliard de dollars).
Il s’agit là d’une véritable "police de l’investissement" qui obligerait les États et toutes les collectivités locales à se conformer à leurs règles et pouvoir éliminer tout obstacle à leurs profits présents amis aussi futurs.
La cyber @ction N° 610 (intitulée "Oui à la protection des droits fondamentaux Non à
l'espionnage et au TAFTA ) qui visait les euro-députés, a été mise en archives,
suite au vote du texte le 12 mars .
http://www.cyberacteurs.org/archives/bilan.php?id=691
La Cyber @ction N° 587: TAFTA NOUS N'EN VOULONS PAS (8 800 participations), qui vise les députés, est toujours en ligne
http://www.cyberacteurs.org/cyberactions/tafta-voulons-pas-698.html
DÉCLARONS NOS COMMUNES, DÉPARTEMENTS et RÉGIONS HORS TAFTA
Les régions d’Ile de France et PACA ainsi que les villes de Besançon et de Niort l’ont déjà fait !
Nous vous proposons d'interpeller vos élus locaux pour obtenir le vote de motions identiques.
En signant sur le site si vous avez un compte et que vous avez choisi votre commune et vos élus vous vous adresserez directement à votre maire, à votre député et à vos euro-députés.
Si vous n'avez pas de compte vous trouverez ces élus
http://www.cyberacteurs.org/institutions/index.php
Vous pourrez noter les adresses de votre conseil général et de votre conseil régional et leur envoyer à la main une copie du message envoyé par le site.
Les conseils régionaux
http://www.pagespro.com/fr_conseils_regionaux.php
les conseils généraux
http://www.pagespro.com/fr_conseils_generaux.php
si des groupes départementaux veulent mener une action localement, il suffit qu'elles se signalent : nous leur ferons parvenir la liste des signataires de la cyber @ction.
En savoir plus
Communiqué de Presse du Collectif national StopTafta -10 mars 2014>
http://www.cyberacteurs.org/blog/?p=1277
Accord UE-US PTCI TAFTA 4è round de négociations : plan B des multinationales pour exploiter les gaz de schiste ?
Voici un nouveau rapport, publié ce jeudi 6 mars, à l'occasion du quatrième round de négociations entre les Etats-Unis et l'Union européenne qui débute ce lundi 10 mars : Non à la fracturation hydraulique ! Comment l'accord UE-Etats-Unis pourrait favoriser la fracturation hydraulique.
https://france.attac.org/IMG/pdf/ttip-isds-fracking-briefingfr.pdf
Les enjeux des accords de libre échange UE-USA sur l’agriculture et les semences
http://stoptafta.wordpress.com/2014/02/27/les-enjeux-des-accords-de-libre-echange-ue-usa-sur-lagriculture-et-les-semences/
Ci-dessous le CP de plusieurs organisations françaises.
Le rapport en français :
http://france.attac.org/nos-publications/article/non-a-la-fracturation-hydraulique
Un article de Basta :
http://www.bastamag.net/Gaz-de-schiste-la-loi-anti-3867
La diapositive 45 de RM Jennar confirme le rapport sur les dangers de l’accord de libre-échange et d’investissement entre l’Union européenne et les Etats-Unis
http://france.attac.org/sites/default/files/ttipinvestmentfr.pdf
« La firme américaine Lone Pie poursuit le Canada parce que le Québec a interdit l’extraction du gaz de schiste » (encadré 1 page 2).
Voir http://www.france.attac.org/dossiers/quest-ce-que-tafta
Egalement le rapport pour le Parlement européen Legal Implications of TTIP for the Acquis Communautaire in ENVI Relevant Sectors Ecologic Institute et BIO IS October 2013
Et aussi manifestation citoyenne #STOPTAFTA et http://www.ecologic.eu/10074
Comme exemple : Le pétrole d’Anticosti : mais où s’en va le Québec ?
http://www.naturequebec.org/nouvelles/actualites/le-petrole-danticosti-mais-ou-sen-va-le-quebec/
Etats-Unis et Europe négocient sur les données personnelles, mais sur quelles bases ?
http://www.franceculture.fr/emission-ce-qui-nous-arrive-sur-la-toile-etats-unis-et-europe-negocient-sur-les-donnees-personnelles
http://rue89.nouvelobs.com/2014/03/11/donnees-persos-europeens-lisez-bien-petite-histoire-pere-americain-250588
Profiter de la crise - comment les multinationales poursuivent les États en justice
http://dessousdebruxelles.ellynn.fr/spip.php? article216&utm_content=buffer26d46&utm_medium=social&utm_source=twitter.com&utm_campaign=buffer
Références
Le pdf de la conférence de Jennar
http://www.cyberacteurs.org/pdf/PTCI-conference.pdf
http://www.jennar.fr/
http://stoptafta.wordpress.com/
http://www.bastamag.net/Mariage-commercial-Europe-Etats
https://www.laquadrature.net/fr/TAFTA
http://www.monde-diplomatique.fr/2014/03/HALIMI/50200
http://org-videos.arte.tv/fr/videos/les-deportes-du-libre-echange--6443068.html
http://france.attac.org/se-mobiliser/le-grand-marche-transatlantique/
http://www.bilaterals.org/?european-commission-announces〈=en
http://www.convergenceenergetique.org/TAFTA
http://www.oui-transition07.org/index.php?option=com_content&view=article&id=222:tafta-unvastemarchedelibre-echang-entre-unioneuropeenneetetats-unis&catid=2&Itemid=101
http://www.stopaugazdeschiste07.org/spip.php?article671
Accord de libre échange : L'UE et le Canada signent un vrai CHEVAL DE TROIE
..
17 septembre, 2014 | Posté par Benji sous Actualité générale, Géopolitique, Manipulation, Réflexion |
On ne peut pas nier que cela n’existe pas, que cela ne se déroule pas, que c’est une théorie du complot! Pour ceux qui se poseraient encore des questions, seule une recherche sur le blog (comme ailleurs…) qui a multiplié les sujets sur les accords de libre-échange, dont celui-ci. Non seulement nos politiques refusent de nous en parler pour mieux nous l’imposer, mais les médias eux non plus ne sont pas très loquaces sur le sujet. Ces accords, nous allons les subir, et au prix fort, en y laissant nombre de libertés, notre santé, notre argent, et bien plus encore!
Le 14 juin 2013, le Commissaire européen
chargé du commerce recevait du Conseil des ministres européen le mandat de négocier avec les États-Unis un traité de commerce dont l’appellation officielle marque l’ambition : Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTCI, en anglais TTIP). Le traité est plus connu sous le sigle TAFTA (Transatlantic Free Trade Area, Traité de libre-échange transatlantique), généralement utilisé par le mouvement social, qui le nomme également « Grand marché transatlantique [1] ».
Un large mandat
D’emblée, l’objectif est posé par le point 3 du mandat : « L’accord prévoit la libéralisation réciproque du commerce des biens et services ainsi que des règles sur les questions liées au commerce, avec un haut niveau d’ambition d’aller au-delà des engagements actuels de l’OMC. » Il s’agit de négocier ce qu’on appelle dans le jargon un accord « OMC plus », c’est-à-dire un accord prenant pour base les principes qui se trouvent dans les accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour aller plus loin et plus profondément dans la libéralisation du commerce.
Le mot « libéralisation » désigne, depuis presque vingt ans que l’OMC a été mise en place (janvier 1995), la mise en concurrence de tous les opérateurs de commerce internationaux. Cette mise en concurrence passe par la possibilité pour les entreprises d’avoir « accès aux marchés » (étrangers), de réaliser une « présence commerciale » (droit d’installation à l’étranger), de bénéficier au moins de la « clause de la nation la plus favorisée » (un traitement non moins favorable que celui dont bénéficie une autre entreprise étrangère) et, à terme, du « traitement national » (traitement identique de toutes les entreprises quelle que soit leur provenance), sans se voir opposer des « mesures distorsives » au commerce que constituent les décisions publiques de toute nature qui amènent à fausser la concurrence. C’est le cas des subventions et plus largement des « obstacles au commerce », ou encore des « obstacles techniques au commerce ». Il s’agit généralement de toutes les mesures intérieures jugées « disproportionnées au but poursuivi », « inéquitables » et sans justification économique, sachant que protéger son marché intérieur n’est pas une justification économique par définition.
De la sorte, les gouvernements ou les instances infra-étatiques ne peuvent plus opposer aux entreprises des décisions publiques qui, au prétexte de protéger les populations de certains risques sanitaires, environnementaux ou autres (« obstacles techniques au commerce »), au prétexte de régulation économique, voire d’intervention économique (« obstacles au commerce ») constituent autant de mesures faussant la concurrence. Le point 23 du mandat reprend la nécessité de la clause de la nation la plus favorisée, du traitement national, de l’interdiction des obstacles au commerce qui sont la base des accords de l’OMC.
Mais cet accord entend aller plus loin.
Il aurait pour conséquence de renforcer les droits de la propriété intellectuelle. Dans le contexte de mondialisation actuelle, il s’agit là d’une tendance de fond qui s’approfondit depuis les années 1990 et qui peut avoir pour cadre l’OMC mais aussi, et d’abord, les législations nationales, particulièrement celle des États-Unis qui tend à exporter ses modèles de régulation dans le monde [2].
Concernant le projet TAFTA, certaines incertitudes planent sur la question de la protection de la propriété intellectuelle et notamment sur celle de la durée durant laquelle l’auteur pourrait prétendre à l’exploitation exclusive de son œuvre. Vu l’opacité des négociations, il est impossible de savoir si les dispositions du type de celles qui étaient présentes dans l’ACTA [3] ne seraient pas présentes. On se souvient que les mécanismes de sanctions à l’encontre des utilisateurs d’Internet avaient déclenché une vive opposition des mouvements sociaux et finalement le rejet du Parlement européen. Il se trouve que la version fuitée de l’Accord économique commercial global (AECG), accord en voie de finalisation entre le Canada et l’Union européenne, porte les mêmes dispositions que le TAFTA et qu’on y trouve ce qui se trouvait dans l’ACTA.
Par ailleurs, le gouvernement français manque rarement de rappeler qu’il a réussi à imposer l’exclusion d’un secteur sensible des négociations : la culture [4]. En fait d’exception culturelle, il s’agit uniquement de l’audiovisuel. Les autres aspects de la culture (livre, spectacle vivant, musique, etc.) ne sont pas concernés. Au demeurant, le Commissaire européen au commerce extérieur a rappelé qu’il ne manquerait pas de demander sur ce point l’élargissement du mandat, selon l’évolution des négociations – comprenez s’il est utile de pouvoir négocier la libéralisation de la culture pour obtenir autre chose. Jusqu’ici, le gouvernement affirme une position inébranlable. Mais, dans le secret de quelques réunions de la Direction générale du commerce, qui se tiennent sans publicité, sans ordre du jour ni compte rendu diffusés, il peut se passer bien des revirements.
Cet accord comporte également deux mécanismes qui, à eux seuls, constituent une des attaques les plus lourdes contre les principes démocratiques fondamentaux jamais tentées à ce jour : le mécanisme de règlement des différends investisseur-État ; le mécanisme de coopération réglementaire.
Deux mécanismes particulièrement dangereux
1. Le mécanisme de règlement des différends investisseur-État :
Le point 23 du mandat le prévoit. Ce mécanisme permettrait à un investisseur (une entreprise ou un financier) de porter plainte contre une décision publique, de quelque nature et de quelque niveau que ce soit, qui serait une mesure « arbitraire », « inéquitable », « disproportionnée », ou qui réaliserait une « expropriation directe ou indirecte » et qui, de ce fait, aurait une conséquence négative sur les bénéfices escomptés de l’investisseur. Cette plainte serait portée devant un organe d’arbitrage international, celui-ci pouvant décider d’une compensation en faveur de l’investisseur correspondant aux pertes découlant de la mesure incriminée, pertes actuelles ou futures.
Revenons sur les deux points importants de cette définition.
Premièrement, les motifs par lesquels les plaintes peuvent être déposées : ils sont extraordinairement flous. Qu’est-ce qu’une mesure « arbitraire », « inéquitable », « disproportionnée » ? Face à un tel flou, il faut savoir que les instances chargées de trancher (et nous verrons que la nature de ces instances également est très problématique) se baseront sur les traités qui les ont instituées. Quel est l’objectif de l’accord en négociation ? Atteindre le plus haut niveau de libéralisation possible. Il n’est pas utile d’espérer que, dans ce cadre, la référence à d’autres textes légaux puisse être faite. Déjà, l’OMC nous a donné l’exemple de traités de commerce ne se référant qu’à eux-mêmes et excluant la possibilité de faire référence à d’autres textes moins contraignants (ceux de l’Organisation internationale du travail, de l’Organisation mondiale de la santé par exemple). On voit mal pourquoi les « arbitres » institués par le TAFTA et qui seront chargés, en dernière instance, d’apprécier les demandes des entreprises le feraient en se référant à autre chose qu’à l’accord qui reconnait leur compétence. Ainsi, nous pouvons prédire sans risque d’erreur que les arbitres décideraient que sera « arbitraire », « inéquitable », « disproportionnée » toute mesure publique qui déviera de l’objectif à atteindre : la libéralisation maximale du commerce international.
Cela ouvre des perspectives, et pas seulement aux entreprises transnationales : quel périmètre sera-t-il laissé à la décision publique par les entreprises et les arbitres ? Quel type de mesures protectrices des populations pourra-t-elle passer au laminoir de ce mécanisme ?
La question se pose d’autant plus si on regarde ce que sont les « arbitres internationaux ».
Ils existent depuis de nombreuses années et ont été créés initialement pour « sécuriser » les investissements dans les pays où n’existent pas de systèmes judiciaires efficaces et hors du contrôle des gouvernements : le CIRDI [5], la CNUDCI [6], les Chambres de commerce ou autres organes ad hoc reconnus par les traités. Le « panel » se compose généralement de trois arbitres, un désigné par le plaignant, un par l’État, un en commun accord ou par les deux autres. Ce sont des personnes privées, petit groupe appartenant à la vingtaine de cabinets d’avocats internationaux dans le monde (14 aux EU, 6 dans l’UE, 1 en Asie) et ils ne sont tenus à aucune des règles qui pèsent normalement sur un juge : les conflits d’intérêts ne les concernent pas, et ils peuvent ainsi siéger dans un organe arbitral, conseiller un État, un investisseur, à moins qu’un de leurs confrères ne s’en charge. Ils peuvent être payés jusqu’à 3000 dollars de l’heure [7].
Pour avoir une idée des conséquences de l’application de ce mécanisme, il est utile de se référer à l’étude annuelle de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement [8]. En effet, le mécanisme de règlement des différends investisseur-État existe déjà dans le chapitre 11 de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et dans les nombreux accords bilatéraux sur l’investissement (BIT), plus de 3000 à l’heure actuelle.
Quelques conflits emblématiques [9] :
- Philips Morris agit dans le cadre de deux accords bilatéraux sur l’investissement contre l’Uruguay et l’Australie pour contrer des politiques de lutte anti-tabac
- Vattenfall exige de l’Allemagne 3,7 milliards d’euros de compensation suite à l’arrêt de deux de ses centrales nucléaires du fait de la sortie du nucléaire de ce pays ;
- CMS Energy (États-Unis), Suez et Vivendi (France), Aguas de Barcelona (Espagne) ont obtenu 1,15 milliard de dollars de l’Argentine, poursuivie par plus de 50 plaintes de sociétés après la décision de figer les prix courants essentiels (énergie, eau…) et de dévaluer sa monnaie durant la crise financière de 2001-2002 ;
- Lone Pine Resources, entreprise énergétique des États-Unis, filiale « boîte-aux-lettres » d’une entreprise canadienne, poursuit le Canada pour 250 millions de dollars, suite à la décision du Québec de décider un moratoire sur l’extraction d’huile et de gaz de schiste ;
- Achmea, assureur privé néerlandais, a obtenu de la République slovaque une compensation de 22 millions d’euros pour avoir remis en cause la privatisation de la santé effectuée par l’administration précédente ;
- Véolia réclame à l’Égypte compensation après que ce pays a décidé d’augmenter le salaire minimum de 400 à 700 livres égyptiennes (de 41 à 72 euros). Notons d’ailleurs que l’Égypte est devenue le deuxième pays le plus poursuivi après l’Argentine, et ce depuis la récente Révolution.
Ainsi, il n’est ni plus ni moins question que de conférer aux entreprises et aux investisseurs un privilège, au sens premier du terme, c’est-à-dire le droit de bénéficier d’une règle particulière, taillée à leur mesure et les extrayant de la règle commune.
Précisions : ce droit de poursuivre les États n’est ouvert qu’aux entreprises étrangères (celles qui ont leur siège ou simplement une boîte-aux-lettres dans le territoire de l’autre partie à l’accord), il n’est pas réciproque (les États ne peuvent dans ce cadre poursuivre des entreprises) et, de fait, il est fermé aux petites entreprises. En effet, l’utilisation du mécanisme d’arbitrage est extrêmement onéreuse, il coûte plusieurs millions d’euros [10], ce qui en fait un instrument aux mains des entreprises transnationales.
2. Le mécanisme de coopération réglementaire
Le point 43 du mandat est assez elliptique là-dessus, mais nous avons bénéficié de fuites du document de décembre 2013 par lequel le Commissaire européen adresse à son homologue des États-Unis ce qu’il entend par « mécanisme de coopération réglementaire ».
Il s’agit de créer un organisme chargé de la mise en place et de l’approfondissement de l’accord qui aurait pour nom « Conseil de coopération réglementaire » (CCR). Il aurait une double mission.
La première serait d’organiser une « alerte précoce ». Si, dans l’avenir, un État souhaite prendre une mesure affectant le commerce (et toutes les mesures publiques sont susceptibles d’affecter le commerce), il faudra au préalable qu’il informe l’autre partie à l’accord, de sorte que celle-ci organise une consultation des opérateurs privés concernés, afin qu’ils donnent leur avis sur la mesure en question. On voit ainsi quelle influence déterminante auraient les desiderata des entreprises avant toute délibération publique et bien en amont des votes législatifs ou des décisions réglementaires.
Sa seconde mission serait d’organiser un lissage systématique et étalé dans le temps des réglementations existantes, si celles-ci devaient apparaître comme trop lourdes pour les opérateurs privés. Ainsi, les entreprises et leurs lobbies auront tout loisir de parvenir à amoindrir ou éradiquer une réglementation déjà existante en passant par la procédure discrète, opaque, non publique consistant à saisir le Conseil de coopération réglementaire, même largement après qu’une réglementation aura été décidée, afin de la rendre « moins lourde ».
À ce propos, on voit se profiler la stratégie nouvelle des promoteurs de l’accord qui semblent, pour certains d’entre eux, s’inquiéter de l’opposition grandissante au projet d’accord [11]. Avec le mécanisme de coopération réglementaire, il sera parfaitement possible de conclure un accord ne comportant pas ce qu’il serait politiquement difficile d’assumer (la venue des OGM, la fracturation hydraulique pour les gaz de schistes, le poulet chloré, le porc à la ractopamine, etc.) mais qui renverrait les inévitables amoindrissements de réglementations à plus tard, aux bons soins de ce Conseil discret, technocratique, et affranchi des règles minimales de débat démocratique.
Conséquences de ces mécanismes
Il s’agit d’un projet d’accord qui porte essentiellement sur l’harmonisation des normes. Ce qui est possible d’un côté de l’Atlantique doit être accepté de l’autre. Au motif de faciliter le commerce, d’amoindrir les coûts découlant de réglementations différentes, il prévoit que, si les processus de fabrication et de certification peuvent rester différents aux États-Unis ou dans l’Union européenne, néanmoins les produits circuleront sans entraves et sans qu’il soit nécessaire que ceux fabriqués d’un côté répondent à toutes les normes spécifiques de l’autre côté, mais seulement à celles des normes du côté où ils auront été fabriqués.
Article complet sur Alainet.org via Sott.net
http://lesmoutonsenrages.fr/2014/09/17/traite-transatlantique-aujourdhui-un-resume-magistral-et-une-description-sans-fards-de-ce-monstre-economique-a-laffut/comment-page-1/
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Patrick Le Hyaric(Cliquer sur Patrick pour avoir le livre)