Un SDF près des grands magasins, à Paris, en décembre 2012 (PRM/SIPA)
C’était en 1982. Une grave crise de la dette débutait en Amérique latine, avec le Mexique comme première victime, et allait se propager à de nombreux pays en développement.
Elle était la conséquence d’un laxisme certain de la part des créanciers quant aux prêts accordés et d’une utilisation trop souvent inefficace des sommes reçues par certains dirigeants de pays en développement, peu soucieux de démocratie (parfois avec la bénédiction des créanciers eux-mêmes).
Mais elle n’aurait pu prendre une telle ampleur sans la mise en œuvre de politiques anti-inflationnistes au début des années 80 par les pays occidentaux, entraînant une forte hausse des taux d’intérêt et un ralentissement économique mondial, ouvrant ainsi une période d’austérité (déjà !).
Le Consensus de Washington
Forgé en 1989 par l’économiste américain John Williamson, le Consensus de Washington regroupe les mesures de politique économique partagées par le gouvernement américain, la banque centrale des Etats-Unis (la FED), le FMI et la Banque mondiale.
Cette crise fut gérée, avec l’accord des créanciers et dans leur intérêt (et parfois aussi dans celui des élites collaboratrices des pays en développement), par les institutions financières internationales. Ainsi, dans un contexte de retour au libéralisme, le Fonds monétaire international (FMI) conditionna toute restructuration de dette à la mise en place de politiques économiques reposant sur les dix commandements de la bible économique néo-libérale fondant le Consensus de Washington (voir encadré).
Suprématie du marché
Il s’agissait d’instaurer la suprématie du marché, de favoriser les activités privées en libéralisant tout ce qui pouvait l’être et de limiter le rôle de l’Etat en lui imposant une cure d’austérité.
L’objectif avoué de ces politiques était d’« assainir » les économies des pays endettés afin d’assurer leur insertion sur le marché mondial et leur permettre de développer des activités exportatrices générant les devises nécessaires au remboursement de leur dette.
Dans les faits, loin de favoriser un rattrapage des pays en développement, ces politiques conduisirent à un accroissement des inégalités de revenus entre pays de plus de 20% au cours des trente dernières années tandis que les inégalités entre riches et pauvres d’un même pays explosaient dans nombre de pays en développement.
Aujourd’hui, 2,2 milliards de personnes sont pauvres ou vivent dans le quasi-dénuement et 80% de la population mondiale ne bénéficie pas d’une couverture sociale.
« Réformes structurelles »
C’était en 2008. La crise des subprimes, déclenchée aux Etats-Unis par l’incurie d’un système bancaire jouant à l’apprenti sorcier spéculateur, diffusait son venin à l’ensemble de la planète.
Contraints de voler au secours de banques irresponsables, incapables de sortir de la récession, de nombreux Etats virent leur déficit budgétaire s’accroître et leur dette fortement augmenter ce qui, pour les pays de la zone euro, les plaçait en porte-à-faux au regard de leurs engagements :
- un déficit budgétaire inférieur à 3% du PIB,
- une dette publique inférieure à 60% du PIB.
Dans un contexte récessif, il fut alors demandé aux pays de l’Union européenne de mettre en œuvre des « réformes structurelles » et « d’assainir leurs finances publiques ».
Malgré un échec patent dans les pays en développement, le consensus de Washington se vit relégitimé par une Troïka (FMI, Banque centrale européenne et Commission européenne) qui inocule aujourd’hui encore le poison de l’austérité en Europe sous couvert de promotion de politiques d’offre.
Aujourd’hui comme hier, les pays surendettés le sont pour des raisons qui leur échappent pour une bonne part. Aujourd’hui en Europe, comme hier dans le tiers-monde, ils sont pourtant jugés comme étant les seuls responsables de leur situation alors que l’endettement des uns n’est que la conséquence du désir des autres d’accumuler des richesses (hier les pays de l’Opep, aujourd’hui la Chine ou l’Allemagne).
Et c’est à partir de ce diagnostic erroné que des mesures drastiques, que l’on croyait jusque-là réservées aux pays pauvres du tiers-monde, sont imposées aux pays européens les plus fragilisés (Portugal, Irlande, Grèce, Espagne, stigmatisés au travers de l’acronyme anglais Pigs) et essaiment dans le reste de l’Union européenne.
Ravages au cœur de l’Europe
Sous couvert de compétitivité, les pays européens sont conviés à se livrer une guerre économique les conduisant à une course au moins-disant fiscal et à la baisse des coûts de main-d’œuvre.
Les coupes sombres dans les dépenses publiques ne servent qu’à offrir à l’appétit des marchands des pans de l’économie qui leur échappaient jusqu’à maintenant (santé, éducation, protection sociale). Les dégâts d’une telle approche sont connus. Ils étaient visibles hier dans les pays du tiers-monde, nous nous décidons à les voir maintenant qu’ils font des ravages au cœur de l’Europe :
- plus d’inégalités ;
- des services privatisés dont la qualité baisse à mesure que leur coût augmente ;
- une demande atone qui exclut tout succès des politiques d’offre, entretient le chômage et fragilise l’investissement ;
- des solidarités qui s’effritent à mesure que la loi du plus fort gangrène nos sociétés.
Aujourd’hui comme hier, l’austérité est un remède qui aggrave le mal qu’il est supposé combattre.
Eric Berre, écoomiste atterré
http://blogs.rue89.nouvelobs.com/chez-les-economistes-atterres/2014/10/18/avec-la-victoire-de-lausterite-leurope-tiers-mondisee-233662
Ils oublient de dire que la dette (entraînant l'austérité et la souffrance des peuples pour le seul profit de quelques-uns), c'est le Système Rothschild ! eva R-sistons
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La ruine du Mexique par le traité nord-américain PREFIGURE les effets du futur traité transatlantique
décembre 17, 2014 dans Mexique, USA par 13P11
source: http://www.vineyardsaker.fr/2014/12/16/la-ruine-du-mexique-par-le-traite-nord-americain-prefigure-les-effets-du-futur-traite-transatlantique/
Selon les affirmations de ses élites, relayant celles des États-Unis, le Mexique devrait jouir des bienfaits de l’Accord de libre-échange nord-américain (Nafta ou Alena) [1], qu’il a signé il y a 20 ans avec les États-Unis et le Canada. Mais la réalité, c’est que le Mexique est devenu un État failli, dont les autres pays d’Amérique centrale et d’Amérique du sud fuient l’exemple. Les administrations centrales et locales sont inefficaces et souvent corrompues, les inégalités ont explosé et les gangs omniprésents font près de 2 000 victimes chaque mois [2]. Au point que la population mexicaine cherche depuis longtemps à émigrer, principalement vers les États-Unis, rencontrant la mort à la frontière, dans le désert, sous les coups de la garde nationale américaine et des narco-trafiquants mexicains et américains bien établis aux États-Unis même [3]. Mais le gouvernement mexicain essaie de maintenir le cap, soumis en permanence aux pressions de Washington.
Les Républicains veulent fermer la frontière, et le Mexicain pense « Il veut me voler mon job aux USA ». Les Démocrates veulent mettre fin au traité Nafta, et le Mexicain pense « Ils veulent me voler mon job au Mexique ».
A l’occasion de ce vingtième anniversaire du Nafta, des bilans peuvent être tirés. Loin d’évoluer vers la prospérité, la société mexicaine compte encore 45 % de pauvres, soit 53 millions de personnes [4]. En une vingtaine d’années, le pourcentage de pauvres a baissé de 2 %. Ce n’est pas le signe d’une amélioration foudroyante du niveau de vie de la population, comme le laissent entendre les protagonistes du traité, pour en vanter les bienfaits.
Le mic mac de l’import-export avec les États-Unis…
Un deuxième argument en faveur du Nafta est l’explosion des exportations mexicaines, qui ont doublé, alors que celles du Canada et des États-Unis n’ont augmenté que de 30 % durant cette même période. Le traité aurait donc été beaucoup plus favorable au Mexique qu’à ses deux partenaires. Mais, comme l’explique un article publié par Marianne hier 15 décembre [5], de telles statistiques doivent être examinées en détail. Elles montrent bien leur caractère trompeur.
En effet, en 2013, les trois-quarts du volume des exportations mexicaines sont composés de biens eux-mêmes importés précédemment par le Mexique, notamment des États-Unis ! C’est que le Mexique héberge sur son territoire un nombre important de sociétés de commerce nord-américaines, qui y bénéficient, grâce aux détaxations et déréglementations autorisées par le Nafta, de facilités leur permettant de réexporter vers les États-Unis, et plus largement vers le monde, une grande partie de leurs produits importés au Mexique. La valeur ajoutée par l’économie mexicaine, c’est-à-dire par le travail des citoyens mexicains, est infime. En effet, il ne s’agit pas d’un pays en développement qui installerait sur son territoire des usines de fabrication filiales de maisons-mères, lesquelles font appel à un fort emploi local.
… et l’effet Wallmart
L’article de Marianne évoqué ci-dessus parle de l’effet Walmart. Walwart est une chaine américaine tentaculaire de distribution, installée au Mexique dès 1991. Sa prospérité doit beaucoup au Nafta et au libre-échange, le Mexique l’ayant rapidement exemptée de taxes à l’importation. Walmart a par ailleurs largement utilisé la corruption pour s’implanter dans tous les lieux urbains et touristiques jusque là interdits au commerce. Ses produits, tous généralement importés des États-Unis, sont vendus sur le marché mexicain à des prix légèrement inférieurs à ceux vendus aux États-Unis, mais le modeste gain de pouvoir d’achat en résultant pour les consommateurs du pays est compensé par le fait que la plupart de ces produits, échappant au minimum de réglementation imposée aux États-Unis pour la protection des consommateurs, encouragent l’obésité, l’alcoolisme et l’empoisonnement par les composés chimiques.
Le Nafta concoure à appauvrir le peuple mexicain…
Le Nafta bénéficie aux grands groupes américano-mexicains. Et il accélère le mécanisme d’expropriation des cultivateurs pauvres, la sur-exploitation des ressources naturelles et plus généralement l’exploitation capitaliste des travailleurs et des petits artisans.
L’agriculture traditionnelle, considérée (y compris à travers les westerns hollywoodiens) comme faisant partie de la civilisation mexicaine, est désormais anéantie sans ménagement. Il en est de même des petits commerces. Certes, les intérêts financiers mexicains installés à Wall Street en tirent des bénéfices croissants, mais ils utilisent ces bénéfices pour spéculer sur les marchés financiers au lieu d’investir au Mexique même pour développer la production locale.
… qui cherchent à émigrer aux États-Unis
Il ne reste plus aux victimes de cette américanisation forcée qu’à tenter de s’expatrier illégalement aux États-Unis. Au cours de ce processus, ils tombent aux mains, comme rappelé ici en introduction, des réseaux de narco-traficants et de prostitution. Certains parlent même de trafics d’organes. Aux États-Unis, sur onze millions de clandestins présents sur le territoire américain, six millions seraient mexicains. Au Mexique même, l’on compterait désormais 90 000 victimes des gangs, sans mentionner 300 000 disparus, que l’on ne retrouvera jamais. A ce nombre viennent de s’ajouter les 43 étudiants d’Iguala, venus sous le feu de l’actualité ces derniers jours [6]. Sans être prophète de mauvais augure, on peut penser qu’eux-aussi ne seront jamais retrouvés.
Le Canada tire aussi les marrons du Nafta
Dans cette lutte entre le pot de fer et le pot de terre n’oublions pas les grands intérêts canadiens, originaires de ce pays si propre et si honnête [7]. Ils viennent s’ajouter à leurs homologues nord-américains pour pressurer la population et l’économie mexicaine.
Le futur Tafta européen, réplique à grande échelle du Tafta
Le traité Nafta, dont les mérites avaient été annoncés à grand bruit dès son origine, en 1994, et qui ont été vantés depuis lors à répétition, devrait servir de modèle aux accords équivalents que Washington voudrait imposer aux États européens, sous le nom de Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (également connu sous le nom de Traité de libre-échange transatlantique Tafta), comme aux États du Pacifique sous le nom de Partenariat transpacifique (TPA).
Les groupes de pression qui militent, au sein de la Commission européenne comme dans les gouvernements nationaux, en vue d’une approbation rapide du Tafta, ne peuvent évidemment ignorer ce côté peu reluisant du Nafta. Mais ils espèrent en tirer des avantages analogues.
Au moment où l’Europe s’engage, bien lentement d’ailleurs, dans des procédures d’harmonisation fiscale afin d’essayer d’éviter les abus de ce qui a été nommé le Luxleaks, c’est-à-dire l’attribution aux multinationales américaines d’une exemption d’impôts quasi-totale, dès lors qu’elles installent des filiales au Luxembourg, nous pouvons nous préparer, dans le cadre du Tafta, à la reconduction de cette impunité scandaleuse, mais cette fois à l’échelle de l’Atlantique nord tout entier. S’y ajoutera, dans le cadre du pivot organisé par Obama en direction de l’Asie Pacifique, un élargissement de l’espace ouvert européen vers une partie de l’Asie et du Pacifique.
Jean-Paul Baquiast
Notes
[1] L’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA, en anglais, North American Free Trade Agreement, NAFTA, en espagnol Tratado de Libre Comercio de América del Norte, TLCAN) est un traité, entré en vigueur le 1er janvier 1994, qui crée une zone de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. (Wikipédia, français)
[2] Mexique : une faillite planifiée de l’État et 1 700 homicides par mois (vineyardsaker.fr, français, 26-10-2014)
[3] La chute du Mur de Berlin et la multiplication des murs occidentaux (vineyardsaker.fr, français, 28-11-2014)
[4] La pauvreté au Mexique (coneval.gob.mx, espagnol)
[5] Avec le NAFTA, le Mexique devait connaître la prospérité… (marianne.net, français, 15-12-2014)
[6] Mexique: l’ombre de l’armée sur Ayotzinapa (tlaxcala-int.org, français, 14-12-2014)
[7] Affaire de Margerie, accident ou attentat ?, parties 1, 2 et 3 (vineyardsaker, français, 20-11-2014 & 01-12-2014)
http://axedelaresistance.com/la-ruine-du-mexique-par-le-traite-nord-americain-prefigure-les-effets-du-futur-traite-transatlantique/