Un soupir, un silence, et ces deux mots : "Très dur". D'une voix abattue, l'employée de la municipalité nous décrit l'ambiance à la mairie d'Hénin-Beaumont. Cette petite ville du Pas-de-Calais de 26.000 âmes a élu au premier tour des municipales dimanche dernier un maire Front National, Steeve Briois. Et depuis, dans l'enceinte de la mairie, il règne une drôle d'ambiance...
Il y a d'abord ceux qui piaffent. Comme cette employée municipale, "ouvertement sympathisante du Front national". D'après le Lab, cela ne faisait pas plus de 24 heures que le FN était élu quand la fonctionnaire, manifestement heureuse du "grand coup de balai" qui s'annonçait, à envoyer à la figure d'une collègue "issue de la diversité" : "Tu es sur la liste de Schindler, tu vas bientôt prendre le train". Une référence choquante aux convois de la seconde guerre mondiale qui transportaient les juifs vers les camps de concentration, même si l'employée est visiblement peu au fait de certains "détails" de l'Histoire. La liste de Schindler a en effet sauvé des Juifs et leur a justement permis d'éviter de monter dans les trains.
L'affaire Dalongeville dans tous les esprits
Loin d'être un cas isolé, cette provocation ne serait en fait qu'une parmi d'autres. C'est en tout cas ce qu'affirme une de ces collègues, témoignant pour le Lab, et qui évoque ainsi d'autres sorties du même type durant la campagne, émanant de sympathisants frontistes qui "sentaient qu'ils allaient gagner". Certains ne cachent pas leur sentiment : l'arrivée du FN à Hénin Beaumont est pour eux une bonne nouvelle.
"Il y en a pour qui c'est un soulagement", nous concède un haut gradé de la mairie, sur le départ. Depuis l'"affaire Dalongeville", du nom de l'ancien maire socialiste révoqué par décret en avril 2009 et condamné à de la prison ferme pour détournements de fonds publics, "l'ambiance n'est plus la même ici, nous confie le fonctionnaire. Certains sentaient qu'il fallait du nouveau, pour passer à autre chose".
"Certains demandent à être mutés"
Et puis il y a les autres : "Nous avons beaucoup de gens en souffrance", nous raconte le fonctionnaire, qui dit "jouer les psys depuis trois jours". "Je vois beaucoup de gens passer dans mon bureau, certains sont effondrés, ils demandent à être mutés, ils ne veulent pas rester". Combien ? "Beaucoup, plusieurs dizaines", nous confie cet homme, proche du maire partant. Pour lui, c'est fini. "Mon départ était prévu de longue date, assure-t-il. Moi ça va, mais j'ai le cœur serré quand je vois tous ces gens effondrés". Et puis il y a sa ville, Hénin-Beaumont. "Elle méritait mieux que cela".
Le frontiste Steeve Briois s'est voulu rassurant, lundi : il veut "relever la ville", "abandonnée par le PS" mais il n'y aura pas de "chasses aux sorcières". Le parti veut tout faire pour "montrer que cela va bien se passer", affirme le fonctionnaire de la mairie. Les équipes seront remplacées, progressivement. "De nombreux cadres sont sur le départ", assure-t-on à la mairie, sans autres précisions, si ce n'est qu'ils "seront reclassés ailleurs". Quant aux "employés municipaux, ils ont tous été briefés", nous assure le haut gradé de la mairie. Avec un mot d'ordre : "ne pas faire de vagues".