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Appelons « Djihadistan » un nouvel Etat qui s'installerait, à cheval sur la Syrie (dans le nord-est du pays) et sur l'Irak (dans l'Ouest et le Nord). Il résulterait des succès que rencontre actuellement le groupe djihadiste dirigé par l'Irakien Abou Bakr Al-Baghdadi, nommé l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL).
L'ambition de ces combattants est de mettre en place un véritable nouvel Etat dans ces régions, contrôlant les populations, les ressources (pétrolières) et les territoires. Il s'agirait d'un Etat appliquant une charia rigoureuse capable de lui donner une puissance offensive idéologique bien au delà de ses frontières. Or l'Europe ne peut rester indifférente : l'EIIL séduit des centaines, peut-être des milliers, de jeunes musulmans européens, venus se battre dans ses rangs, essentiellement en Syrie.
Que pourrions nous conseiller, si nous étions
en charge d'une encore improbable diplomatie européenne ?
* Prier instamment les Américains de ne pas intervenir militairement. C'est pourtant semble-t-il ce qu'ils se préparent à faire, en se limitant d'ailleurs à des frappes aériennes, envois d'armes et autres mesures aux retombées plus catastrophiques les unes que les autres. Il faut rappeler aux Américains que si la situation est ce qu'elle est aujourd'hui, c'est dans la continuité des politiques belliqueuses inaugurées par Bush. La chute de Saddam Hussein, qu'ils avaient provoquée, principalement pour s'emparer de ses ressources en pétrole, a contribué à soulever le couvercle d'une marmite qui depuis ne s'est jamais refermée. Qu'ils se limitent dorénavant à défendre leurs intérêts directs, par exemple les voies de communication à travers les détroits.
* Consulter les principaux Etats directement menacés par le futur Djihadistan, afin de définir avec eux des politiques de prévention, à moduler au cas par cas, et que l'Europe pourrait appuyer. Ces Etats, concernés à des titres différents sont la Russie, l'Iran, la Turquie, l'Egypte et, un peu plus loin, les pays du Maghreb, notamment l'Algérie. Il conviendra par contre de déployer la plus grande prudence à l'égard des pays du Golfe, notamment l'Arabie saoudite et le Qatar. Ceux-ci jouent simultanément plusieurs jeu, dont ils se servent pour abuser le monde entier: le jeu de leurs intérêts pétroliers et de leurs investissements économiques dans le monde, le jeu de l'Amérique, le jeu des multiples djihadistes qu'ils financent partout. Des contacts devront évidemment aussi être pris avec le Pakistan, sans oublier cependant que celui-ci pourrait prochainement se radicaliser sous l'effet des groupes djihadistes qui l'attaqueront de plus en plus et pourraient y prendre le pouvoir un jour.
* Cesser de tenter, à la suite des Américains, de renverser Bashar al Assad. La politique de la Russie, récemment rappelée par Vladimir Poutine, est la bonne: sans approuver ses excès considérer qu'il est seul à pouvoir empêcher une extension de l'EIIL à toute la Syrie. Ceci dit, la situation de Bashar et des Alaouites en Syrie va devenir plus difficile, compte tenu des importantes quantités d'armement moderne récupérées par l'EIIL dans les arsenaux de l'armée irakienne, suite à la défection de nombreuses troupes. Ceux-ci commencent à être acheminés vers la Syrie pour renforcer les djihadistes anti-Bashar.
* Pratiquer une politique de non-intervention active à l'égard des différentes composantes du Djihadistan. Celles-ci sont trop diverses pour s'entendre longtemps. On verra ressurgir les oppositions entre tribus, entre sunnites, chiites et Kurdes, entre émirs et combattants d'origines différentes voulant exploiter à leur seul profit les conquêtes pétrolières faites. Il y a tout lieu de penser qu'en quelques mois, la belle union espérée par l'EIIL se sera désagrégée, et que des modus vivendi redeviendront possibles avec les voisins et avec les Européens eux-mêmes. Il suffirait sans doute d'attendre un peu. Malheureusement l'attente n'est pas une vertu que pratiquent les excités et néo-cons occidentaux de tous bords.
* Renforcer sur le territoire européen les politiques et de contrôle et de défense à l'égard des djihadistes, extérieurs ou provenant de l'Europe elle-même, qui tenteraient de la déstabiliser. Sur ce plan, que nous n'aborderons pas ici, les Européens auront fort à faire. Ils ne pourront compter que sur eux-mêmes à cette fin.
A partir de cela, un point très difficile restera à résoudre: comment l'Europe devrait-elle se comporter pour tenter de limiter les aventures de toutes sortes auxquelles pousse actuellement Israël, fort de l'appui américain - tout en assurant le cas échéant à l'Etat juif la nécessaire protection qu'il serait en droit d'attendre de l'Europe en cas d'embrasement de la région ?
Il semble que, pour Vladimir Poutine, se pose une question de même nature. Ce serait une raison de plus pour que les Européens se concertent avec les Russes afin de définir des politiques communes au Moyen Orient.
http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=1383&r_id=
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ÉIIL : l'Irak appelle les États-Unis à l'aide.
Le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, a demandé aux États-Unis de venir bombarder les jihadistes de l’Émirat islamique en Irak et au Levant qui viennent de faire une percée spectaculaire au nord du pays.
Le prince saoudien Abdul Rahman a décidé de diriger les combattants de l’ÉIIL contre Bagdad afin de renforcer la position de l’Arabie saoudite face à l’Iran lors des négociations qui commencent entre les deux pays. L’opération, qui a débuté il y a plusieurs mois, a brusquement connu un dénouement après la livraison d’armes ukrainiennes avec l’aide de la Turquie. Cependant, l’offensive de l’ÉIIL a été soutenue par la désertion immédiate d’au moins 150 000 soldats irakiens, de sorte que toute la région de Ninive est tombée en leurs mains.
Selon William Lacy Swing (ancien ambassadeur US en Afrique du Sud, puis aux Nations unies, et actuel directeur de l’Office des migrations internationales), au moins 500 000 Irakiens auraient fui devant l’ÉIIL. Il s’agit à la fois de membres des minorités régionales et de sunnites opposés aux takfiristes.
Le Premier ministre a également appelé à l’aide les milices confessionnelles. Le leader chiite Moktada el-Sadr s’est dit prêt à lutter contre les jihadistes en coordination avec l’État irakien.
À ce stade, s’il est clair que l’offensive de l’ÉIIL avait été préparée avec Washington contre les intérêts iraniens en Irak, il semble que les jihadistes ont outrepassé leur mission et soient actuellement hors contrôle.
http://www.cameroonvoice.com/news/article-news-15464.html