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Questions autour de la mort de Ghislaine Dupont et Claude Verlon
Les circonstances et les raisons de la mort des deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, samedi 2 novembre à Kidal (dans le nord du Mali) sont encore floues.
Un soldat malien patrouille sur la route entre Gao et Kidal, dans le nord du Mali.
Deux hypothèses sont avancées pour expliquer cet assassinat qui n’a toujours pas été revendiqué.
Ce drame est un signe d’échec du dispositif sécuritaire mis en place par les forces armées maliennes et internationales, chargées de sécuriser Kidal.
Que sait-on des circonstances de leur mort ?
Vers 13 heures, samedi 2 novembre, Ghislaine Dupont et Claude Verlon quittent le domicile d’Ambéry Ag Ghissa, l’un des représentants du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qu’ils viennent d’interviewer en vue de la « spéciale Mali » que RFI prépare pour le milieu de la semaine. Ils montent dans leur véhicule pour se rendre à leur prochain rendez-vous, du côté de la succursale de la Banque malienne de solidarité (BMS), lorsqu’un pick-up beige surgit.
Des hommes armés, « enturbannés » et parlant tamachek (la langue touarègue du nord du Mali) s’emparent des deux journalistes, les ligotent et les embarquent dans leur véhicule. Malgré les barrages qui assurent la sécurité de Kidal, les ravisseurs parviennent à quitter la ville vers l’est, en direction de la frontière algérienne. Deux heures plus tard, les corps des deux journalistes tués par balles sont retrouvés par une patrouille française, à environ 12 km de Kidal.
Qui les a tués ?
Si les ravisseurs sont visiblement des Touaregs, personne n’a encore revendiqué ce meurtre. « Les assassins, ce sont ceux que nous combattons, c’est-à-dire les groupes terroristes qui refusent la démocratie et qui refusent les élections », a déclaré Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, à l’issu d’une réunion de crise organisée dimanche matin à l’Élysée.
Cependant, ce n’est pas le mode opératoire habituel des trois mouvements islamistes de la région : le groupe d’origine algérienne, Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), et les deux groupes à majorité touarègue Ansar Dine et MNLA. Les ravisseurs peuvent être simplement un groupe proche de l’un de ces mouvements qui espéraient pouvoir les revendre à Aqmi ou Ansar Dine, une fois la frontière algérienne traversée.
Pourquoi les avoir tués ?
Deux scénarios sont possibles. Le premier est celui de l’assassinat pur et simple. Dans le cadre de la guerre conduite contre l’Occident, les djihadistes considèrent que les journalistes étrangers sont des ennemis, au même titre que les soldats envoyés les combattre. Et comme la France est en première ligne dans cette guerre conduite au Mali contre eux, les journalistes français sont encore plus exposés.
Mais les bons connaisseurs de la zone sont assez circonspects. « Compte tenu de ce que je sais, je ne vois pas le MNLA ou Ansar Dine se lancer dans une telle opération. À moins que ces deux journalistes aient trouvé des choses qui leur ont déplu. À mon sens, Aqmi ou Ansar Dine ont plus à gagner à avoir des otages vivants, comme le montre la libération des quatre Français cette semaine », analyse un acteur du dossier.
Dans ce contexte, l’hypothèse de l’assassinat pur et simple signifierait un changement de stratégie de ces groupes : désormais, il s’agirait pour eux de semer dès qu’ils le peuvent la peur et l’effroi. Reste qu’ils revendiqueraient un tel attentat : ce qui n’était pas le cas dimanche en fin de journée.
Autre hypothèse, l’enlèvement qui a mal tourné. « C’est pour l’heure le plus probable, pense cet observateur. Ils ont dû se sentir menacés et ont donc choisi de se débarrasser des deux otages. » C’est exactement ce qui s’est déroulé avec Philippe Verdon. Fuyant l’offensive de l‘armée française dans le nord du Mali, les ravisseurs qui le détenaient (avec Serge Lazarevic toujours retenu dans le Sahel), s’étaient repliés en direction du Sud algérien, fin janvier.
« Épuisé, Philippe Verdon a été tué parce qu’il ralentissait la fuite du groupe. Nous n’étions pas loin. On sait que son corps est caché sous des pierres dans le massif des Ifoghas », confiait alors, en avril, à La Croix, une source française au Mali. Sa dépouille a été retrouvée en juillet.
Les ravisseurs ont-ils été poursuivis par l’armée française ?
Selon le porte-parole de l’état-major français, le colonel Gilles Jaron, les forces françaises basées à l’aéroport de Kidal, alertées de l’enlèvement, ont envoyé en recherche une patrouille et deux hélicoptères.
Ils ont découvert les corps des deux journalistes sans avoir vu ou pu affronter les meurtriers.
Ces assassinats sont-ils liés à la libération des quatre otages français ?
Rien ne le dit. Mais on peut supposer que la somme versée (environ 20 millions d’euros, selon Le Monde) pour libérer les otages cette semaine, a démontré que ce type d’opération était rentable financièrement.
« Est-ce que la répartition des rançons versées a été équitable ? Il n’est pas impossible que certains au sein d’Aqmi se soient sentis grugés », a déclaré à l’AFP, l’ethnologue André Bourgeot, spécialiste des mouvements touaregs dans la région.
Est-ce un camouflet pour les forces armées déployées à Kidal ?
Kidal, fief des indépendantistes touaregs, est occupée par le MNLA depuis janvier. L’armée malienne y a fait son retour en juillet, sans toutefois prendre entièrement le contrôle de la ville. Elle a rejoint l’armée française qui s’y est déployée à la fin janvier. Elle est aussi rejointe par les casques bleus de la Minusma. Aujourd’hui, il y aurait environ 500 soldats pour sécuriser la ville (dont 200 Français de la brigade Serval).
« Je suis étonné que cela puisse arriver dans cette ville où sont déployées quatre armées pour 35 000 habitants, juge Michel Galy, professeur à l’École internationale et des relations internationales (Ileri) et qui a dirigé l’ouvrage collectif La Guerre au Mali (1). Cet enlèvement a montré les failles du dispositif sécuritaire assuré et mis en place par ces armées. »
Quelles seront les suites de cette exécution ?
Il y a peu de chances que les journalistes occidentaux se retirent du Mali, à la suite de cet attentat. « Nous savons les risques que nous prenons lorsque nous nous rendons dans cette région. Nous sommes exposés à Tombouctou, à Gao et encore plus à Kidal où personne n’a vraiment la main sur la sécurité. Nous savons tous ici que cela aurait pu tomber sur l’un d’entre nous », témoigne le journaliste indépendant et collaborateur de RFI, David Baché.
Les militaires engagés à Kidal vont devoir prendre des mesures pour justifier leur présence sur place, d’autant que le premier tour de l’élection législative doit se dérouler le 24 novembre. Laurent Fabius a d’ailleurs annoncé dimanche que « la sécurisation de l’ensemble de la zone et des zones voisines allait être accrue », sans pour autant fournir de détails.
Sur le plan géopolitique, Michel Galy pense que « quels que soient les auteurs de ce crime, les Touaregs ont beaucoup perdu dans ce drame. En particulier, le MNLA, qui jouissait du soutien à peine voilé de la France. La perspective d’obtenir une forme d’autonomie de la région s’éloigne pour les indépendantistes touaregs. En revanche, il renforce le camp de ceux qui, à Bamako, sont les moins enclins à leur accorder des concessions. »
Sur le volet judiciaire, le parquet de Paris a ouvert samedi une enquête pour des faits d’enlèvement et séquestration suivis de meurtres en lien avec une entreprise terroriste. L’enquête, sous l’autorité du parquet de Paris, a été confiée à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et à la sous-direction antiterroriste (Sdat).
http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Questions-autour-de-la-mort-de-Ghislaine-Dupont-et-Claude-Verlon-2013-11-03-1055195#.Ungkf3br_yc.twitter
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Voici la conclusion d’un article du site letemps.ch : L’assassinat des deux journalistes va modifier la couverture dans le nord malien et de fait fortement la réduire. « On s’attend à de nouvelles consignes. Mais le but n’est pas de vous empêcher de faire votre travail », affirme à Bamako l’officier presse. Pourtant, courant juin, les hommes de Serval en poste à Kidal, furieux de tomber nez à nez avec un confrère de France Culture monté de Bamako par ses propres moyens, l’ont consigné des heures sous un arbre, histoire de bien lui faire comprendre qu’il n’était pas le bienvenu, et lui avaient enjoint de reprendre immédiatement la route vers Gao : « On ne veut pas de toi ici. »
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Ce fait ne m’étonne en rien et tend à faire penser que les journalistes français ont bien été assassinés par la France.
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Les journalistes qui se sont fait tuer ont commis une grave erreur : ils ont été interviewer des gens considérés comme des ennemis par l’impérialisme français, tout en se faisant transporter par des militaires de la MINUSMA française.
Ces journalistes auraient dû se faire protéger par le service d’ordre du MNLA, pour interviewer un leader de ce parti ! Et surtout ne PAS prévenir les militaires français qu’ils allaient faire cette interview. Car c’était de l’autodénonciation !
Une fois rentrés en France et leur reportage diffusé à la télé, ils ne risquaient pratiquement plus rien.
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Tandis que là, les services secrets français savaient parfaitement où les trouver pour les abattre, ou les faire abattre, afin de les empêcher de livrer le point de vue des Touaregs du MNLA à la télé française
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El Watan avance la thèse d’une bavure militaire. Le quotidien algérien cite des témoignages, à Kidal, accréditant la thèse d’un tir ami venant d’un hélicoptère français qui aurait abattu les ravisseurs et les otages en voulant les bloquer. Voici cet article:
Des témoins oculaires locaux affirment que les deux journalistes avaient été embarqués par trois hommes armés, enturbannés, à bord d’un 4×4 beige sans immatriculation.
Nouvelles révélations sur la mort des deux journalistes français de Radio France Internationale (RFI), Ghislaine Dupont et Claude Verlon, samedi à Kidal, dans le nord du Mali. Joints par téléphone, des témoins oculaires font état des circonstances dans lesquelles les deux journalistes ont été tués en revenant sur des détails assez surprenants. «Ils ont tenté d’avoir des entretiens avec de nombreux notables, notamment l’amenokal de Kidal, mais en vain. Ils ont pris attache avec Ambéry Ag Rissa, un notable de la tribu des Imgad, qui habite en plein centre-ville. Lorsqu’ils sont sortis de chez lui, leur voiture était garée juste derrière celle d’Ambéry.
Les deux assaillants, dont le visage était couvert d’un chèche, ne voulaient pas entrer à l’intérieur de la maison d’Ambéry. Ils attendaient que les journalistes en sortent pour les embarquer à bord d’un 4×4 de couleur beige, sans plaque d’immatriculation, conduit par un troisième homme qui avait mis le moteur en marche. Un autre véhicule similaire, avec à son bord deux hommes enturbannés surveillaient de loin la scène. A peine sont-ils montés dans le 4×4 (qu’ils avaient loué auprès du maire de Tessalit), que deux hommes, le visage masqué d’un turban, leur ont intimé l’ordre de ressortir. Mon fils était à quelques mètres seulement. L’unité de l’armée française n’était pas loin. Elle a été informée au moment où les ravisseurs embarquaient les deux journalistes…», révèle notre source. Et de préciser : «L’action était très rapide. Il était 13h35, lorsque les deux véhicules avaient pris la direction de l’est de Kidal, en empruntant la route de Tin Inssako.»
Sous le couvert de l’anonymat, de peur de représailles, notre interlocuteur précise que cette route mène au Niger, «lieu où se rencontrent souvent contrebandiers et terroristes». La même source affirme avoir obtenu des informations «fiables» qui permettent de reconstituer les circonstances de la mort des deux journalistes. «En fait, le véhicule qui transportait les deux journalistes s’est arrêté à 27 km de la ville, alors que celui qui assurait l’escorte a continué sa route. Nous ne savons pas pourquoi. Est-ce qu’il est parti récupérer du carburant ? Est-ce qu’il attendait ceux qui devaient prendre les otages ? Rien n’est sûr. Ce qui est certain, c’est qu’une trentaine de minutes plus tard, un hélicoptère de l’armée française a survolé l’endroit. Les ravisseurs et les otages étaient déjà sortis du véhicule. C’est alors que l’hélicoptère a tiré plusieurs salves en leur direction, tuant sur le coup les trois ravisseurs ainsi que les deux otages», raconte notre source. Selon elle, personne ne peut être sûr de l’identité des auteurs, mais certains évoquent une «commande» qu’auraient pu exécuter des groupes armés, des contrebandiers surtout, au profit des terroristes.
«Ici tout le monde sait que les Français représentent une lourde monnaie qu’il est facile d’échanger contre d’importantes sommes d’argent. Il est probable que les journalistes aient été enlevés par des contrebandiers. Ces derniers devaient les revendre par la suite à un groupe terroriste qui, lui, négocierait leur libération contre une rançon», souligne notre interlocuteur. En tout état de cause, ce témoignage permet de comprendre les informations fournies hier par le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius. Tout d’abord, il met un terme aux rumeurs selon lesquelles les deux journalistes ont été égorgés par leurs ravisseurs en disant : «Ils ont été tués par balles par les groupes terroristes que nous combattons», précisant : «Ils ont été assassinés froidement. L’un a reçu deux balles, l’autre trois balles.»
Lors d’une réunion de crise consacrée à cette affaire et présidée par le chef de l’Etat, François Hollande, Laurent Fabius a souligné : «Les assassins, ce sont ceux que nous combattons, c’est-à-dire les groupes terroristes qui refusent la démocratie et qui refusent les élections (…) Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été kidnappés par un petit commando et emmenés hors de Kidal. Leurs corps ont été retrouvés à 12 km (…) à quelques mètres de la voiture fermée à clé, il n’y avait aucun impact de balle sur la voiture.»
Des détails importants qui rejoignent le témoignage de notre source. Ce qui rappelle étrangement la bavure de l’armée française, au cours de l’été 2011, lorsqu’une unité militaire avait pourchassé les ravisseurs de deux otages français et mitraillé leurs véhicules, tuant tous les occupants (y compris les otages). Peut-on mettre cette affaire dans la case «pertes et profits» de la guerre contre le terrorisme au nord du Mali ? Pour nombre de spécialistes des questions sécuritaires, cela va de soi. «Il n’est pas question pour l’Etat français, qui venait de dépenser plus de 20 millions d’euros pour la libération des quatre otages détenus par des terroristes depuis plus de trois ans, de reprendre à zéro une autre négociation et de payer une nouvelle rançon, d’autant que ces derniers jours, le gouvernement est au centre de lourdes critiques», explique une source sécuritaire au fait de la situation au Sahel.
Pour notre interlocuteur, «en s’installant militairement dans la région, la France a ouvert la boîte de Pandore. Le terrorisme sera de plus en plus fort et les populations locales de plus en plus exclues et sous-développées faute de sécurité et de stabilité. Les unités militaires présentes sur le terrain, qu’elles soient françaises, africaines ou maliennes, ne pourront rien faire, si ce n’est multiplier les bavures dont les victimes se compteront surtout parmi les civils».
Salima Tlemçani / Al Watan
http://allainjules.com/2013/11/05/bavure-militaire-mali-al-watan-accuse-larmee-davoir-tue-les-journalistes-de-rfi/
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LA VRAIE QUESTION DES OTAGES
Un risque consenti ?
Michel Lhomme
le 04/11/2013
Ghislaine Dupont et Claude Verlon, deux journalistes français de Radio France Internationale (RFI) en reportage à Kidal (nord-est du Mali) ont été enlevés et finalement exécutés samedi. Les corps ont été découverts par les militaires français de la force Serval. Les deux journalistes ont été enlevés en plein centre-ville de Kidal alors qu’ils sortaient d'un entretien avec un représentant du MNLA (Mouvement national pour la libération de l'Azawad), au domicile d'Ambeiry Ag Ghissa, l'un des leaders du mouvement autonomiste touareg, pour prendre la route de Tin Essalit au Nord. Selon le gouverneur de Kidal Adama Kamissoko, ils ont alors été emmenés de force à bord d'un pick-up Toyota. La situation dans le pays est loin d’être sécurisée. L'assassinat des deux journalistes français intervient alors que les quatre otages français détenus au Sahel depuis plus de trois ans ont été libérés mardi. Dès l’annonce de l’enlèvement samedi des deux journalistes français, un hélicoptère de la force Serval a décollé pour tenter de retrouver leur trace. Il n’aura hélas retrouvé que leurs corps sans vie, abandonnés lâchement auprès du pick up. Reste la question de Kidal, que nous avions déjà posé, et qui reste au Mali, une région incontrôlable. Peut-on et doit-on aller plus loin que Kidal dans l’état actuel de nos forces ? Si la situation est toujours aussi délicate c’est que l’Etat central n’y a aucun pouvoir. Fief historique des rébellions touareg, Kidal, la grande ville du Nord malien, est le théâtre depuis des semaines d’incidents violents, d’échanges de tirs entre des membres du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et des soldats de l'armée malienne. Le problème du contrôle de Kidal ne date pas d’hier. Pour preuve, les militaires français ont libéré Gao et Tombouctou en 2013 avec l'aide de l'armée malienne, mais à Kidal, les Français ont préféré agir avec les forces tchadiennes plutôt que maliennes, sans doute pour éviter un affrontement ethnique entre soldats maliens nègres la plupart du temps et les militants « blancs » arabes du Mouvement National de Libération de l’Azawad. Kidal est également proche de la frontière avec le Niger, dans une zone où des groupes terroristes se sont réfugiés depuis l'intervention française. Aller plus loin, prendre Kidal implique une intervention française plus musclée, l’envoi de troupes supplémentaires. Or nous avons envoyé des troupes ce mois-ci, discrètement, en République Centrafricaine et un groupe de militaires a été dépêché pour renforcer nos positions au Gabon. Nos forces rencontrent ici de sérieuses limites matérielles alors que nos militaires font tout pour mater les rébellions salafistes présentes dans la région. Des libérations médiatisées ? Concernant nos otages libérés mercredi, les déclarations (la gaffe) de Marine Le Pen ont posé crûment un autre problème, celui de l’instrumentalisation politique des libérations d’otages. Depuis Ingrid Betancourt et les infirmières bulgares de Kadhafi, c’est devenu comme un outil politique classique à la veille de scrutins électoraux. Les images livrées cette semaine en pâture d’otages encore affublés des symboles de leur détention et manifestement encore sous le choc d’une détention longue et pénible, ont laissé indubitablement aux téléspectateurs bien informés un sentiment de malaise. Il faudrait donc rompre au plus vite avec ce qui est devenu une tradition française profondément malsaine d’instrumentalisation politique des libérations d’otages. Faut-il payer des rançons ? Inévitablement se pose la question de la raison d’Etat et du versement de la rançon. La France a-t-elle et doit-elle verser une rançon pour libérer des otages politiques ? Une source proche des négociateurs nigériens a parlé d’une somme versée de 20 à 25 millions d’euros. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a affirmé qu’aucun « argent public » n’a été versé. Possible, en effet, mais Areva aurait pu payer. On a aussi parlé d’argent prélevé sur les fonds secrets des services de renseignement qui aurait été convoyé par la DGSE jusqu’à Kidal. Toujours selon la même source touareg, la transaction entre la France et les preneurs d’otage garantirait à Iyad Ag Ghaly, le leader d’Ansar Dine, un des mouvements islamiques armés qui ont occupé le Nord du Mali en 2012 (les autres étant Aqmi et Mujao, Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest, né d’une scission d’Aqmi), une entière impunité. Iyad Ag Ghali vient d’ailleurs de nier toute participation à l’assassinat des deux journalistes. Or, le chef d’Ansar Dine et ses djihadistes étaient sous le coup de mandats d’arrêts divers, comme sédition, terrorisme, crime contre l’humanité pour les multiples atrocités qu’ils ont commisses sur les populations maliennes. En libérant nos otages du Niger, le chef d’Ansar Dine aurait eu l’assurance de n’être pas poursuivi. L’enlèvement des deux journalistes ne serait-il pas le fait de proches d’Ansar Dine qui auraient pu voir d’un très mauvais œil cet accord secret entre Paris et Iyad Ag Ghaly ? Si l’impunité accordée à Iyad Ag Ghaly est le point essentiel des négociations, se justifie-t-elle au nom de la raison d’Etat ? S’il y a eu négociation pour la libération des quatre otages du Niger, il y a eu forcément des contreparties comme l’a affirmé si franchement Elisabeth Guigou. Or, quelles que puissent révéler ces "contreparties", ne sont-elles pas, par principe, un encouragement à de futurs enlèvements ? Notre otage Lazarevic au Niger lui, n'a toujours pas été récupéré. Comme l’a précisé sa fille, son père ne peut bénéficier, lui, des largesses d'une "grosse société" : il n’est qu’un modeste entrepreneur ! Mais le propos de sa fille va encore plus loin et à ce titre mérite amplement d’être reconsidéré pour son courage et son sens de l’honneur. Diane Lazarevic a dénoncé en effet le scandale des négociations en elles-mêmes et elle souligne qu'elle ne veut ni du paiement d'une rançon, ni de la libération d'autres terroristes. Ce comportement exemplaire ne devrait-il pas être, en effet, le comportement de tout otage, de tout employé sur un terrain de combat français ? Après tout, nos expatriés volontaires n’ont-ils pas le même devoir de sacrifice envers la France que nos soldats? Le passeport français est dans beaucoup de pays et régions du globe une garantie de protection. N’implique-t-il pas alors pour celui qui le possède un comportement exemplaire, l’exigence éthique du devoir d’Etat et du sacrifice devant le double cœur nauséabond de la barbarie et de la vengeance islamique ?
http://metamag.fr/metamag-1654-LA-VRAIE-QUESTION-DES-OTAGES.html
Publié le nov 30, 2013 @ 0:03
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